Retour sur les IA Days 2025 avec Olivier Gaillard

- Jérôme Coupé

Iadays 2025 olivier gaillard

Aujourd’hui nous discutons avec Olivier Gaillard de la première édition des IA Days qui ont eu lieu du 13 au 17 Octobre 2025 à Louvain-la-Neuve.

Bonjour Olivier. En tant qu'initiateur du projet est-ce que tu peux nous dire ce que sont les IA Days et comment tu as eu l'idée de les organiser ?

Bonjour. A la base, j'ai une formation d'enseignant pour le secondaire en sciences humaines. Pendant 10 ans, j'ai travaillé sur des questions liées à l'engagement social et citoyen ce qui m'a amené à créer la plateforme pour le service citoyen. J'ai ensuite créé et dirigé une entreprise dans le secteur de l'audiovisuel, dont l'objectif était de créer des produits audiovisuels pour raconter des histoires sur base de documents d'archives (photos, fichiers audio et vidéo, etc.).

Dans ce cadre là, je me suis rapidement intéressé aux IA génératives, dans la mesure où ces technologies permettent d'automatiser toute une série de tâches via des algorithmes et d'augmenter la productivité. MeMovie, qui était une équipe de personnes créatives dans les secteurs de l'audiovisuel, est devenue en quelques années une entreprise travaillant exclusivement avec des développeurs et quelques personnes sous-payées à Madagascar pour valider les données d'entrée.

Inutile de dire que cela ne correspondait plus vraiment à mes valeurs. J'ai donc cessé mon activité. Par contre, j'ai gardé de cette expérience un intérêt pour les IA génératives et à leur impact sur les métiers de l'audiovisuel et sur l'enseignement de ces métiers. 

Lors de l'année scolaire 2024/2025, j'ai été chargé par l'IAD de débroussailler en interne les questions liées aux IA génératives, à l'enseignement et aux secteurs des arts de diffusion. J'ai pu constater qu'il existait un réel besoin … et qu'il ne se limitait pas à l'IAD.

Parallèlement à cette mission, j'ai donc décidé de lancer ce projet des IA Days avec les objectifs suivants:

  • Créer un espace de rencontre entre les écoles qui forment aux métiers de la création, les professionnels de ces secteurs et les chercheuses et chercheurs actifs dans ces domaines.
  • Contextualiser les rapports entre IA génératives, création et enseignement au travers d'une série de conférences et de débats.
  • Montrer une série de projets intéressants pour donner une image la plus claire possible de “l'état de l'art” de la création assistée par IA.
  • Proposer 4 jours d'expérimentation pour réaliser un projet en équipes et se familiariser avec différents outils d'IA génératives.

Au niveau des partenaires, l'Agence du Numérique représentait le pôle institutionnel, The Pod celui des professionnels et de l'industrie, tandis que l'IAD, l'IHECS et le Miil représentaient l'enseignement et la recherche appliquée.

Les IA Days n'auraient pas pu se tenir sans un comité scientifique dans lequel de nombreuses écoles et universités étaient représentées. 

Nous avons aussi pu compter sur le soutien d'entreprises qui nous ont fourni les licences et les outils avec lequel expérimenter.

Les conférences et débats sont lancés - Photo: Alexander von Buxhoeveden

Les conférences et débats sont lancés - Photo: Alexander von Buxhoeveden

Ton constat est que les IA génératives bousculent les secteurs de l'audiovisuel et de la création, mais appellent aussi des réponses aux questions environnementales, géopolitiques et sociétales qu'elles posent.

Oui, clairement. Cette première édition des IA Days a confirmé qu'il y avait, tant pour les acteurs du monde professionnel que pour ceux du monde de l'enseignement, un réel besoin de partages, de débats et de mises à niveau autour des enjeux des IA génératives et de la création.

Nous ne sommes plus seulement dans une évolution technique ou technologique. Les IA génératives interviennent aujourd'hui dans un aspect fondamental de l'humanité: notre capacité à créer des récits, à raconter des histoires. Nous devons nous positionner: évaluer les impacts de ces technologies sur l'environnement (consommation d'énergie, d'eau, empreinte matière, etc.), nos sociétés (slop, désinformation, marché de l'emploi, etc.) et la politique (multinationales sous contrôle US ou chinois, visées géopolitiques plus ou moins explicites, etc.).

Organiser des IA Days chaque année à Louvain-la-Neuve c'est aussi l'occasion de faire quelque chose en plein cœur du Brabant Wallon, une région qui n'avait jusqu'ici pas beaucoup d'espaces publics de discussion concernant ces questions.

Maintenant que tu as un peu de recul sur cette première édition, quels sont les aspects de cette aventure qui t'ont particulièrement marqués ?

J'ai de très bons souvenirs des 4 jours de création. 165 étudiants ainsi que 25 professeurs et professionnels ont formé des équipes et choisi un parcours: vidéo, édition digitale ou jeu vidéo. 

Nous avions négocié des licences de logiciels avec des entreprises du secteur. Chaque équipe est partie de rien et a pu expérimenter les technologies proposées tout au long du processus créatif, depuis le pitch en passant par le storyboard, le scénario, la création de personnages et d'environnement, l'illustration, la mise en page ou encore le game design. 

Ces IA Days ont été un prétexte pour permettre aux participantes et aux participants de prendre quelques jours pour échanger, pour partager leurs découvertes et pour tester ces outils et décider de les intégrer ou pas à leurs processus de création.

Je suis aussi très heureux que ces premiers IA Days aient rassemblé des acteurs venant de toute la Belgique: Bruxelles, Louvain-la-Neuve, Namur, Tournai, Mons, Liège, etc. C'était sympa de pouvoir fédérer tout ce petit monde et de les voir échanger pendant l'événement.

Au niveau de l'enseignement, cette première édition a également clarifié les choses pour moi. Les technologies liées à l'IA évoluent très rapidement et ont une temporalité (très) différente de celle de l'éducation. Je reste persuadé que pédagogiquement, il est essentiel d'enseigner les bases classiques des métiers créatifs et de développer la pensée critique des étudiantes et des étudiants. 

Parallèlement à cela, je crois que des dispositifs agiles et axés sur le partage et les expérimentations doivent être mis en place et proposés régulièrement aux secteurs professionnels, institutionnels et académiques. Travailler ensemble, rassembler les différents secteurs et acteurs, c'est essentiel face à des enjeux aussi larges que l'IA et son impact sur les métiers de la création.

C'est ce que j'ai eu envie d'offrir avec les IA Days. 

La nuit de l'IA, lancée par Damien Van Achter, proposait une série de projets créatifs assistés par IA - Photo: Alexander von Buxhoeveden

La nuit de l'IA, lancée par Damien Van Achter, proposait une série de projets créatifs assistés par IA - Photo: Alexander von Buxhoeveden

Question traditionnelle pour terminer: est-ce que tu aurais un conseil pour nos étudiantes et nos étudiants ? Quelque chose que tu souhaites transmettre ?

Je pense qu'il est essentiel d'avoir une bonne culture générale et de se tenir informé. Trouvez quelques personnes et institutions à suivre pour rester au courant des évolutions de vos métiers liées à l'IA.

Je crois aussi qu'il est important de rester ouvert, d'être conscient des avantages et inconvénients de l'IA dans les métiers créatifs, de trouver un équilibre entre rejet catégorique et acceptation béate.

Un des rôles fondamentaux de l'éducation, c'est d'enseigner la pensée critique, de donner aux étudiantes et aux étudiants les moyens de se positionner par rapport à des questions comme celles posées par l'IA. Comme citoyens et comme (futurs) professionnels, nous devons être capables de nous remettre en question vis-à-vis de l'IA, comme vis-à-vis des autres grandes problématiques auxquelles nos sociétés font face.

A l'année prochaine pour l'édition 2026 !

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