Nos anciens - Thomas Romainville: la gestion de production au cinéma

- Jérôme Coupé

Thomas romainville 003 - Denis Tribhou

Discussion avec Thomas Romainville, qui nous fait découvrir les différentes facettes de la gestion de production audiovisuelle.

Bonjour Thomas. Aujourd'hui, on aborde avec toi le secteur de la production audiovisuelle dans lequel tu travailles depuis quelques années. Tu peux commencer par nous parler de ton parcours?

J'ai un parcours un peu atypique, puisque j'ai fait mon bachelier à l'étranger, et plus précisément aux USA.

Comme beaucoup, je décide de partir un an à l'étranger après ma rhéto pour apprendre l'anglais. Je me suis vraiment bien plu aux US et j'y suis finalement resté 6 années, au cours desquelles j'ai fait un bachelier à Springfield dans le Missouri: Digital Film and Television Production.

Durant les deux premières années, l'approche est assez théorique mais, ensuite, j'ai touché à l'image, au mixage, à la prise de son, au montage, au cadrage, etc.

Au départ, je me destinais plutôt à l'image. En dernière année, j'ai suivi un cours avec une productrice qui m'a fait découvrir la direction de production. Je crois que c'est à ce moment que je me suis dit que c'est ce que je voulais faire professionnellement.

Le rôle d'une directrice ou d'un directeur de production consiste principalement à préparer et ensuite à gérer le tournage.

  • En amont, on commence par faire ce que l'on appelle un dépouillement de scénario. Il faut identifier en détail tout ce qui est nécessaire pour chaque plan: comédiens, figurants, éléments de décors, accessoires, costumes, techniques spéciales, matériel, etc. C'est sur base de ce dépouillement que l'on va ensuite obtenir les devis, établir le budget, faire le planning, organiser la logistique et les transports, trouver les équipes, le matériel, etc.
  • Ensuite, pendant le tournage, il faut gérer les plateaux, les équipes et assurer toute la coordination pour que le tout se passe au mieux et reste dans le budget et le planning prévus.

Après mes études, je voulais rester aux USA et continuer à y faire du cinéma mais je n'ai pas pu obtenir un visa de travail. Je suis donc rentré en Belgique en 2019.

A mon retour, j'ai envoyé quelques CV à des boîtes de production mais je n'ai rien trouvé de concluant. J'ai donc décidé de reprendre des études, en grande partie pour pouvoir faire un stage que j'espérais transformer en travail par la suite.

Sur le tournage de "La vie pour de vrai" - Photo: Denis Tribhou

Sur le tournage de "La vie pour de vrai" - Photo: Denis Tribhou

Et c'est là que commence ton parcours à l'IAD en tant qu'étudiant du master cinéma en gestion de production ?

Oui. Au moment où je commence cette année de master, je sais déjà que je veux devenir assistant puis directeur de production pour gérer la préparation du film et ensuite les tournages et les équipes.

Mes 4 camarades et moi commençons l'année avec des cours théoriques pour apprendre les bases des différents métiers de la production (production, production exécutive, direction de production, direction de post-production, etc.).

Dès la fin octobre, on plonge dans le concret en assurant la gestion de production de tous les films ou documentaires qui sortent de l'IAD cette année-là. Chacun de nous a pu gérer la production de 5 projets audiovisuels: émission de télévision, fictions, documentaires, etc. Mener à bien ces 5 projets en 10 mois, c'est finalement assez proche de la réalité du métier, dans lequel on commence la préparation d'un nouveau projet alors qu'on finit le tournage du précédent.

Durant mon stage, j'ai eu beaucoup de chance, puisqu'on m'a proposé d'assurer la fonction d'assistant de production sur le film de Dany Boon, "La vie pour de vrai". Je crois que j'ai réfléchi en tout et pour tout deux minutes avant d'accepter (rires).

Sophie Casse, qui était directrice de production sur ce film, m'a proposé après mon stage de continuer à travailler sur la suite du tournage à Paris … et c'est comme cela que j'ai décroché mon premier vrai job comme assistant de production.

L'équipe de "La vie pour de vrai" à Paris - Photo: Denis Tribhou

L'équipe de "La vie pour de vrai" à Paris - Photo: Denis Tribhou

L'importance des rencontres, des contacts, c'est vraiment quelque chose qui ressort de la plupart des interviews d'anciennes et d'anciens.

Pour moi aussi, les rencontres, particulièrement celle avec Sophie, cela a été très important. Après le film de Dany Boon, elle m'a d'ailleurs proposé de travailler avec elle sur "Largo Winch: le prix de l'argent". On continue donc à travailler ensemble régulièrement.

Cet aspect humain du travail en équipe est vraiment central dans les métiers de la production. Il faut s'adapter aux différentes manières de fonctionner de chacune et de chacun pour créer une certaine alchimie. C'est ce qui fait que, quand une équipe de production fonctionne bien, on fait souvent appel aux mêmes personnes pour les projets suivants.

Dans un film, les aspects techniques et artistiques sont évidemment très importants, mais il faut aussi être attentif aux aspects relationnels et veiller à ce que la communication reste fluide pour que tout le monde ait toutes les informations nécessaires au bon moment. Pendant un tournage, notre travail c'est vraiment de mettre de l'huile dans les rouages pour que tout se passe au mieux.

Les magnifiques paysages sur le tournage de "Largo Winch III" - Photos: Thomas Romainville

Les magnifiques paysages sur le tournage de "Largo Winch III" - Photos: Thomas Romainville

Qu'est ce qui te plaît particulièrement dans ce métier ? Qu'est ce que tu dirais à quelqu'un qui veut se lancer ?

J'aime le côté “équilibriste” de la direction de production: il faut à la fois être attentif au respect des budgets et des plannings, tout en ne perdant pas de vue les intentions artistiques et narratives du projet. Cela demande de trouver des compromis, de faire des arbitrages, de parfois sacrifier certaines choses pour pouvoir en garder d'autres, de proposer des alternatives et d'être créatif.

J'adore aussi le fait qu'il n'y a jamais de routine. Chaque journée est vraiment différente de la précédente, avec des défis à relever, des solutions à trouver, etc. Les projets sont aussi très variés, on voyage parfois beaucoup, on rencontre énormément de personnes, de métiers et de cultures différentes.

La dynamique qui se crée lors d'un tournage est vraiment quelque chose de très intense: alors qu'on ne se connait pas au début, on réussit en quelques mois à réaliser ensemble un film qui va potentiellement faire vibrer des milliers, voire des millions de spectateurs … C'est une expérience assez incroyable à vivre !

Photo de couverture: Sur le tournage de "La vie pour de vrai" - Denis Tribhou